Rue Saint-Jacques
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Rue Saint-Jacques

Philippe Alméras

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Qui ne connaît la plus droite, la plus antique, la plus historique des rues de notre Capitale ? Certains la disent tracée par les mammouths il y a dix mille ans quand Paris n’était encore qu’un fragment de la Sibérie… D’autres n’y voient que l’axe nord-sud de Lutèce, le cardo établi par Rome à l’heure de la conquête, d’autres encore le chemin vers Saint-Jacques de Compostelle...

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   Qui ne connaît la plus droite, la plus antique, la plus historique des rues de notre Capitale ? Certains la disent tracée par les mammouths il y a dix mille ans quand Paris n’était encore qu’un fragment de la Sibérie… D’autres n’y voient que l’axe nord-sud de Lutèce, le cardo établi par Rome à l’heure de la conquête, d’autres encore le chemin vers Saint-Jacques de Compostelle. Pourtant, l’histoire de la rue Saint-Jacques où reposent la patronne de Paris, sainte Geneviève, et Clovis, le premier roi des Francs, est le reflet étonnant de celle de notre pays, de sa capitale.

   C’est avec passion que Philippe Alméras ressuscite ici le décor, les événements, les figures hors du commun de cette voie millénaire. Remontant de la Seine, il y a d’abord l’université, la Sorbonne, forgeant le « pays latin », les humanités chrétiennes ensuite, avec les dominicains qui prennent le nom de Jacobins et dont saint Thomas d’Aquin sera le phare. Il y a encore la poésie, avec Villon, l’imprimerie, venue d’Allemagne, Rabelais le Renaissant et les collèges, parmi lesquels Louis-le-Grand qui forme encore l’élite de notre jeunesse. Calvin y échappe à l’émeute durant la Réforme, et la Contre-Réforme s’y installe en sa partie “campagnarde” où sont les couvents, tel le Val-de-Grâce, ultime fondation royale.
En abolissant l’œuvre des siècles, la Révolution offre à la rue Saint-Jacques une « fête de destruction », écrit Philippe Alméras, « la dernière démolition d’église l’étant par Émile Combes en 1906 ». Mais c’est par la percée du boulevard Saint-Michel par le baron Haussmann que sonne le glas de la rue Saint-Jacques, la vie étudiante elle-même se dispersant « alors que la rue n’est plus que l’élément du musée qui s’empare peu à peu de toute la ville. » La grande flambée de Mai 68 est un bouquet final de cette histoire captivante… à lire comme un roman national.

   Philippe Alméras est critique littéraire et biographe français, spécialiste de L.F. Céline. Il a notamment publié Montherlant, une vie en double (Via Romana, 2009) et Céline, entre haines et passion (P.G. de Roux, 2011).

Dans la presse

Histoire & Histoires… du 5e, n°2

Tout au long de son ouvrage -Rue Saint-Jacques paru en 2014 aux éditions Via Romana, Philippe Alméras nous livre ses souvenirs et recherches sur la plus historique des rues de Paris. Y vivant depuis de très nombreuses années, l'auteur décrit avec force détails la transformation de l'ancien cardo gallo-romain en artère universitaire, lieu d'élection de très nombreuses congrégations religieuses.
Universités, couvents, églises, librairies, poètes, imprimeurs, soulèvements étudiants... Tout nous est révélé dans ce livre incontournable né des recherches de ce critique littéraire et biographe, grand spécialiste de Céline ou Montherlant. Philippe Alméras est également l'auteur du Dictionnaire Céline (Plon), Je suis le bouc (Denoël) ou encore Céline entre haines et passion (P-G. de Roux).
Laissons maintenant l'auteur nous révéler en quelques lignes les grandes phases de cette évolution… Thierry Depeyrot

 

Un mille-feuille de vingt siècles (par Philippe Alméras) 

Mon travail sur la Rue Saint-Jacques a répondu à une curiosité : je m'y étais installé après un exil américain et deux autres à Paris, au Bois de Boulogne et au Bois de Vincennes. Auparavant j'avais toujours habité la rive gauche mais cette portion-là m'était inconnue.

Quand on avait donné l'adresse, le notaire avait dit : "Ah ! Le sentier des mammouths!". Il était de ceux qui les voyaient traçant la piste rectiligne vers le fleuve qu'avaient empruntée les hommes de la préhistoire et les Gaulois, celle que les Romains avaient dallée et aménagée. Je m'étais bien sûr procuré Hillairet et Gady, mais l'histoire des hommes m'intéressant plus que celle des bâtiments, j'allai glaner dans les livres d'histoire, pour aboutir à la commission historique de l'arrondissement où je retrouvai, par pur hasard, l'ancienne gérante de mon immeuble. Elle me donna accès aux dossiers où s'empilaient dans un aimable coq à l'âne papiers et coupures de toute origine, collection de La Montagne Sainte-Geneviève, gravures, photos, notices, rapports, plans d'urbanisme, inventaires d'expropriations ou d'adjudications. J'y trouvai aussi le mémoire détaillé racontant l'exhumation de la tombe de l'abbé de Saint Cyran (que les ouvriers prenaient pour un Saint) et le récit des épreuves subies par le clergé de Saint-Jacques-du-Haut-Pas pendant la Commune.

Tout cela parlait autant des gens que des pierres et une idée vivante du développement de la plus ancienne rue de Paris. Au XIIe siècle son destin s'était dessiné lorsque l'Abélard d'Héloïse avait traversé la Seine pour échapper au magistère de Guillaume de Champeaux et à la tutelle de l'évêque de Paris. En s'installant sur la censive de Sainte-Geneviève, il relevait directement du Pape (et du Roi). il fut tout de suite imité par les collègues. Dans les débuts, ils donnaient leurs cours dans la rue, après avoir fait la quête. Vinrent ensuite des bâtiments et des règlements, l'Université de Paris prospérait, elle remontait la rue et ne s'arrêtait qu'au sommet de " la Montagne", par delà " la rue des Écoles". La langue de l'endroit était le latin, un sabir local dont Rabelais nous a fourni quelques échantillons pittoresques et nettement blasphématoires; il associait tous les parlers d'Europe, car les libertés de l'Université de Paris avaient favorisé le savoir qui attirait les "Nations".

Quand Ignace de Loyola se convertit dans sa Catalogne natale et décida de reprendre ses études, il se dirigea vers Paris en poussant l'âne qui portait ses livres et en mendiant son pain. C'est ainsi qu'il passe la porte Saint-Jacques, passage obligé de tous ceux qui venaient de l'Ouest et du Sud. Cela se passait au temps des Humanistes et de la Réforme, quand Calvin devait sauter d'une fenêtre pour échapper à ceux qui faisaient la chasse aux parpaillots. Loyola, avait eu lui-même quelques problèmes avec l'Inquisition mais il était resté fidèle au Pape " jusqu'au cadavre" et, avec des camarades, il avait créé à Saint-Pierre-de-Montmartre une "Compagnie de Jésus" destinée à combattre l'hérésie par le savoir. À Rome, il emprunte la barrette carrée des docteurs de l'Université de Paris pour ses "Jésuites " longuement formés.

Ils créent sur la rue Saint-Jacques un collège gratuit qui formera la crème de la société jusqu'à la Révolution. Et au-delà, puisqu'il existe toujours, face à l'ancien collège de Sorbon qui survit à la Révolution, à l'Empire, à la Restauration, et au Second Empire. La Troisième République le rebâtit de fond en comble sur un plan monumental qui dévore d'autres collèges et des bâtiments tels que Saint-Benoit-le-Bétourné, sa cure et son cloître, où avait été élevé François Villon : cette "Sorbonne nouvelle" a fait de toute une portion de la rue un désert pentu.

Un peu plus haut, le couvent des "Jacobins" a été complètement effacé sauf une maison de rapport. L'illustre Thomas d'Aquin qui y avait enseigné et écrit des Traités fameux lui avait donné un grand lustre. Il était arrivé d'Italie appelé par un maître allemand, à la grande époque des "collèges" dont le Collège de France et Normale Supérieure ont gardé la formule. Il en existait de toutes tailles et de toutes catégories, gratuits ou payants, très pauvres ou presque luxueux, ceux où les "étudiants" (ils y arrivaient enfants) servaient et ceux où ils étaient servis.

Ensuite et plus loin, au-delà des Jacobins adossés à la muraille de Philippe Auguste, hors la porte, hors les murs, dans ce qui était un faubourg rural, s'installaient des monastères et des couvents: Oratoriens, Ursulines, Visitandines, Carmélites (qui reçoivent la duchesse de La Vallière, vingt-cinq ans sacristine du couvent). Non loin des "Chartreux" qui avaient planté leurs célèbres vergers du temps de Saint Louis dans les solitudes du diable Vauvert, la dernière congrégation arrivée - mais non la moins fameuse - est celle des religieuses de Port-Royal-des-Champs, en surnombre dans la vallée de Chevreuse, qui viennent s'installer rue de la Bourbe, à l'emplacement de l'actuel Boulevard de Port-Royal. Elles ont laissé, grâce à Pascal et à "ces Messieurs", une empreinte durable sur le quartier jusqu'à la Révolution et au-delà.

Tout cela est la postérité de l'Université et du premier monastère créé par Geneviève, vierge consacrée, pas du tout bergère mais solide Gallo-Romaine qui avait protégé la ville contre les envahisseurs de l'Est avant de faire sa paix avec des Francs convertis à la religion du lieu. Le patronage royal devient une tradition : Clovis patronne l'église de Sainte-Geneviève, Saint-Louis-les-Chartreux et les ordres mendiants, Anne d'Autriche une communauté de femmes vouées à la pauvreté qu'elle force à vivre dans le cadre somptueux du Val de Grâce. Ce couvent-là a conservé sa grande allure grâce à l'hôpital militaire qui va quitter les lieux.

Ces strates humaines déposées sur vingt siècles encouragent le sentiment de relativité dans la fugacité des choses que Chateaubriand était venu cultiver à "L'Hospice Sainte Thérèse" dont l'hôte chéri était "le chat du Pape", recueilli lors de son ambassade à Rome.

Ce qui m'a pourtant le plus frappé quand j'y ai débarqué était l'ambiance de rue de village où Pierre-Guillaume de Roux promenait sa haute taille, Max Gallo ses tirages et Claude Allègre son hétérodoxie climatique. Martine, la blonde épicière du "Proxy", donnait occasionnellement des nouvelles de Philippe Sollers installé à la lisière du boulevard. D'une boucherie voisine, ouverte à l'ancienne, je me faisais héler un soir : "Heuh là ! ça y allait hier soir à la télé !". Le boucher parlant l'idiome de la ville normande où je travaillais avait saisi la veille au soir une prise de bec sur Céline. La boucherie existe toujours mais elle est devenue la succursale d'une chaîne et le personnel "tourne" avec entrain. La charcuterie voisine ouverte et décorée vers 1900 a fermé pour cause d'augmentation des loyers. C'était la seule aux alentours. Il suffit de quelques années pour que dans ce décor immémorial tout change et se transforme. Si Perraudin, le bistrot fréquenté par Verlaine, existe toujours c'est parce que les murs appartiennent à la Ville... Ce qui demeure est le côté cosmopolite de la rue mais il faut tenir compte d'une permutation entre tenanciers et clients : les premiers proposent des nourritures du bout du monde aux populations plus ou moins locales.

Ainsi se perpétue la Grand'Rue dite de ceci ou de cela jusqu'à ce que le succès de Compostelle lui donne le nom de Saint-Jacques dont elle est le parcours obligé à Paris. Elle a été la rue Jacques le temps d'une Révolution. Je me reproche de n'avoir pas mentionné à ce propos Catherine Théot, dite " la mère de Dieu ", illuminée dont on avait cherché à se servir pour abattre Robespierre : elle habitait pourtant tout près, rue Mouffetard. Il s'agissait de privilégier ce qu'on négligeait ailleurs : par exemple le club à l'anglaise qu'était devenue la Sorbonne dans les derniers temps de l'Ancien Régime peuplé d'ecclésiastiques amis des Lumières, tels que l'abbé Morellet qui ressent comme une injustice sa disparition.

C'était le temps des clôtures et des grandes destructions. La rue survit à toutes mais elle s'assoupit avec la suppression des corporations. Imprimeurs, imagiers, parcheminiers partent ailleurs comme les libraires. Le percement du boulevard Saint-Michel par Haussmann draine au siècle suivant les étudiants et supprime l'exclusivité de l'axe Nord-Sud qui avait justifié la naissance de Paris à son intersection avec l'axe Est-Ouest de la Seine.

La voie était parcourue dans les deux sens et c'était une bousculade constante. Gare ! Gare ! Le calme relatif revient quand la recherche prend la relève plus silencieuse même si avec les Curie elle aboutit à l'explosion de 1945 sur laquelle ouvre l'ère nucléaire. Le quartier ne s'est réveillé brièvement qu'au moment de la grande fête de Mai 68 et il s'est rendormi après des élections malgré quelques tentatives de ranimer les barricades et les incendies de voiture. Avec la dernière fusée de ce feu d'artifice historique, le souvenir des controverses et des bagarres religieuses a disparu et les cris de la rue ont été remplacés par un concert de klaxons quand le sens unique est bouché. La rue est au plus étroit, à son sommet, là où le Panthéon voué à "toutes les Gloires de la France" a squatté la massive église Sainte-Geneviève, vœu de Louis XV, pécheur et pénitent. L'argent lui ayant toujours manqué on y travaillait encore en 1789. Certains avaient parié sur l'effondrement du dôme. Il ne s'est pas produit mais les travaux de consolidation n'ont jamais cessé. Le vrai miracle a été que jusqu'au dernier la croix soit restée au sommet alors que le nom Geneviève avait disparu de la mémoire de la Ville pour n'être plus que celui d'une bibliothèque. Ses cendres avaient été brûlées sur la place de Grève et Clovis n'avait échappé au grand nettoyage que parce que l'on avait perdu sa tombe. Certains prétendent qu'il repose sous l'asphalte de la rue qui porte son nom et qui remplace une église disparue : en creusant un peu on trouverait son sarcophage comme on a trouvé celui de ce roi anglais sorti récemment d'un trottoir londonien. Philippe Alméras

 

979-10-90029-77-4
49 Produits

Fiche technique

Couverture
souple
Date de parution
juin 2014
Dimensions
13.5 x 20.5 cm
Pages
236
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